Très chouette Podcast, effectivement. Et ayant l'insigne honneur d'être Charybde9 (donc pas un associé mais un lecteur de proximité), j'en profite pour vous recommander une fois de plus la librairie.
Mangelune a écrit:Il a le mérite de reposer parfois douloureusement la question de l'indépendance surtout dans le roman (même si j'ai du mal à saisir les termes "Éditeur indépendant" : il y a des éditeurs dépendants ? de qui ?) : le grand nombre de petits éditeurs dans le milieu littéraire constituerait une forme de filtre qualitatif. Les auteurs indépendants seraient alors majoritairement des personnes non professionnelles dont la production serait de piètre qualité.
Alors sur la question de l'édition indépendante, si tu as des questions, je crois que je peux essayer de t'y répondre. Je bosse pour deux éditeurs dits indépendants, et je travaille aussi sur des opérations de mise en valeur de l'édition indépendante en librairie et sur le net.
La définition d'un éditeur indépendant, stricto sensu, c'est la même que celle que Hugues donne de la librairie, c'est à dire un éditeur qui agit avec ses fonds propres, et pas pour le compte d'un groupe. Exemple: Grasset, ou Fayard appartiennent au groupe Hachette, Denoël appartient à Gallimard.... Ils ne sont donc pas indépendants. En revanche, Les Moutons électriques, Le Diable Vauvert, les éditions Toussaint Louverture (
http://www.monsieurtoussaintlouverture.net/) ou Dystopia (
http://www.dystopia.fr/) travaillent sur leurs fonds propres, et sont donc indépendants.
L'indépendance n'est certes pas un gage de qualité, comme il l'a été dit dans le podcast (et ce que nombre de ces éditeurs ont tendance à oublier), et de grands groupes publient des collections, ou des livres magnifiques. Mais, à l'heure actuelle, le vivier de création et de renouvellement de la littérature (et même plus largement du livre, autant texte qu'objet), c'est parmi les éditeurs indépendants qu'on le trouve, et ce, en grande partie pour des raisons économiques. Les grands groupes sont sur une stratégie à la fois du "coup" et du "classique", bref, de livres qui se vendent à grande échelle (disons à plus de 3000 exemplaires en moyenne, même si ce seuil diminue), soit sur un temps très court, soit sur un temps très long. Un livre qui ne s'impose pas un mois et demi après sa publication est mort et tous ses exemplaires (enfin la plupart) s'en vont joyeusement au pilon. Un éditeur indépendant de taille moyenne ou petite n'a pas les frais de structure des grosses boites. Il est souvent plus flexible quant à la commercialisation de ses livres et peut les pousser plus longtemps (1, 2, 5 ou même 10 ans). Il a besoin de moins de ventes immédiates pour rentrer dans ses frais (ça peut aller de 100 à 1200 ventes alors que pour un éditeur de groupe, 2500 ventes en très peu de temps est souvent un minimum). Il réalise souvent un travail éditorial plus poussé sur l'ouvrage: accompagnement de l'auteur sur des projets plus audacieux, travail sur la forme du livre, la qualité de fabrication ou les illustrations, découverte d'auteurs inconnus, de livres réputés impubliables.
Là encore, ce n'est pas inscrit dans le marbre. Certains grands éditeurs de groupe font encore ce travail, mais c’est quand même de plus ne plus rare.
On pourrait parler aussi des pratiques commerciales, des rapports avec les clients et les libraires, mais je ne voudrais pas trop flooder. Désolé pour la tartine... Si le maître des lieux et d'autres sont intéressés pour parler de cela, je suis à dispos pour continuer!