par Steve J » 18 Juin 2016, 15:56
Thomas je ne réponds pas à ta question mais je me permets d'illustrer la différence entre la critique et le test en donnant un exemple de ce que je pouvais dire en critiquant deux jeux avant de les avoir tester, et ce qu'apporte le test à mon analyse.
La question importante étant évidemment la suivante : est-ce que mes paragraphes de pré-tests sont vraiment inintéressants ?^^
Jeu 1 : Magistrats et Manigances, de Romain d'Huissier et Benjamin Kouppi
Critique : Le jeu entreprend de modifier considérablement le jeu d'enquête à la fois en développant un univers particulier et en proposant une mécanique de jeu littéralement révolutionnaire.
En plaçant l'enquête au cœur de la Chine médiévale, M&M vient d'abord modifier la logique des procédures d'enquête. La torture est possible, et même institutionnalisée, son usage faisant courir le risque aux PJs d'être eux-même torturés s'ils se trompent de coupable. Mais le formalisme du système chinois se fait sentir de façon plus stricte encore dans la séparation entre le Magistrat -qui est un administrateur politique avant d'être un juge et a qui tout le monde doit le plus grand respect- et ses assistants qui agissent sur le terrain. De même le fait que l'enquête ne peut être réussie que s'il y a aveu vient fortement repenser la relation entre les PJs et les suspects qui doivent être affrontés directement lors de procès.
Mécaniquement le jeu soutient d'abord les particularités de son univers en découpant les méthodes d'enquête en Procédures (qui évoquent les Moves d'Apocalypse World) qui décompensent précisément les méthodes d'enquête et permettent aux joueurs de rentrer dans la logique de fonctionnement des enquêteurs de la Chine médiévale. Ces procédures font un choix révolutionnaire : elles mécanisent l'obtention d'indices que le meneur ne peut pas refuser aux joueurs si les procédures réussissent. Ainsi -comme dans Tremulus- le meneur ne construit plus l'intrigue en partant des faits et en se demandant comment construire une suite d'indices. L'intrigue va se construire pendant la partie en partant des indices qui permettront aux joueurs de reconstruire les faits, voir -si le MJ à décider de ne pas préparer les solutions aux enquêtes- de les construire.
Apport du test : Le rythme du jeu est lent car la partie va commencer par des phases d'approche du terrain pour collecter des indices. Il est sans doute préférable de ne pas y jouer à plus de 4 PJs et optimal d'y jouer avec de 1 à 3 PJs.
Les Procédures ne sont pas construites de façons parfaites. Si la combinaison de certaines vient apporter aux jeux (il est amusant que l'on puisse, avec les pouvoirs du mystique, utiliser la procédure Interroger sur des fantômes), certaines conséquences possibles sont difficilement interprétables. Ainsi je conseille vivement de changer la conséquence "Rencontrer un témoin d'un crime" dans la procédure Battre le Pavé et lui préférer "Rencontrer le témoin d'un acte louche".
Jeu 2 : My Life with Master, de Paul Czegue
Critique : En mécanisant l'enchainement des scènes, leurs conséquences et leurs conditions de déclenchement, MLwM invente le jeu à procédures. Ce mode de jeu, qui sera parodié avec beaucoup de talent dans Zombie Porn, vient inscrire le déroulement de la partie et l'évolution psychologique des personnages dans les mécaniques. Les joueurs sont incités à respecter cette dynamique par une mécanique de don de dés, attribué par le MJ si les joueurs jouent de façon cohérente et convaincante certains sentiments. Cette mécanique entend cimenter la logique de procédure en introduisant du jugement humain (et donc en évitant le sentiment d'être uniquement en train de manipuler des éléments ludiques et tactiques).
Particularité du jeu : il s'agit d'un jeu sans univers fixe. Même si les illustrations évoquent la transylvanie des romans gothiques, le jeu explore d'abord une thématique -celle de la domination et de la soumission- et non pas une géographie. Paradoxalement cette possibilité de changer de cadre de jeu est d'abord une limite. Elle restreint l'univers fictionnelle à une couleur que l'on change de façon cosmétique comme on changerait la tapisserie de sa chambre. Mais c'est une limite qui a l'avantage de permettre de focaliser le jeu sur une thématique rarement traitée.
Apport du test : La mécanique de don de dés fonctionne bien et permet effectivement d'éviter le sentiment de n'être que dans une posture d'optimisateur. Il y a quelque chose de l'ordre du tour de prestidigitation puisque qu'elle fait oublier le caractère profondément abstraits de certains choix : les conséquences et les articulations de certaines scènes n'étant pas toujours fluides vis à vis de la fiction construire.