Les podcasts de La Cellule, saison 8

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Re: Les podcasts de La Cellule, saison 8

Messagepar Mangelune » 11 Nov 2016, 09:58

Je suis très embêté en écoutant ce podcast, et assez soulagé d'entendre Adrien et Emmanuelle être aussi embêtés que moi. J'espère que vous le prendrez pas mal mais bon ça me saoulerait de tuer le dialogue critique pour ne pas froisser les amis.

Au final, je pensais que le Vide Fertile était un concept critique bien précis que j'avais encore du mal à comprendre mais dans ce podcast celui-ci me fait plutôt l'effet de quelque chose de mystique échappant sans cesse au regard de l'explorateur à moins que celui-ci ne l'ait déjà expérimenté. Le mot véritable qu'on pourrait utiliser est le Graal ou l'Epiphanie, quelque chose qu'on ne peut pas chercher véritablement, où l'on doit se laisser aller tout en prenant des décisions mais sans qu'on nous y force, qui est à la fois dynamique sociale et créative sans être espace créatif, qui est la responsabilité du jeu quand l'échec est possible par la faute des joueurs, qui est effet boule de neige mais pas économie ludique... Après, je n'ai rien contre la recherche mystique, même si je crains les biais qu'elle pourrait causer, mais je ne pensais pas qu'elle était partagée par tant de personnes ici, et surtout je ne pensais pas que ce concept se rapprochait à ce point de cette conception sacrée du jdr.

Je ne suis pas pour autant d'accord avec l'analyse de Romaric qui consiste à dire que ceux qui ne comprennent pas sont des scientifiques ou des atomistes. Je pourrais accepter le Vide fertile (ou le Graal ou l'épiphanie roliste) si on parlait de nombreux jeux de rôles - voire de tous - et pas d'une poignée, d'un mélange entre une osmose à la table et des règles efficaces (un mélange je dis bien, pas juste un bon jeu qui fait le job tout seul), de moments "magiques" advenant soudain sans qu'on puisse vraiment expliquer (un peu comme le flow qui est un concept bien moins problématique). S'il s'agit de dire que certains systèmes encouragent une certaine dynamique et peuvent aider à une sensation incroyable à la table, je peux le concevoir. Mais cela peut arriver rarement, fréquemment, et surtout plus ou moins efficacement en fonction des efforts que les joueurs mettent, le sens où ils vont : je ne crois pas au jeu sans effort, au jeu sans compensation, au ravissement ludique. A mon sens on ne peut pas décréter "ce jeu a du Vide fertile" en mode on/off, a/a pas. J'aurais à la rigueur préféré un "ce jeu encourage des épiphanies ou des moments de grâce" voire même, en laissant tomber la prétention à l'objectif, "ce jeu m'apporte des moments des grâce".

Le point qui va sans doute vous énerver le plus mais ça m'a ici vraiment sauté aux yeux : développer un concept servant de fait à valider vos propres jeux, ceux de quelques amis et ceux de Vincent Baker en gros, vous serez d'accord quand même pour dire que c'est assez problématique vu de l'extérieur. Je ne dis pas que vous n'êtes pas sincère mais je ne veux pas croire que dans les kilotonnes de jeux qui sortent en France et à l'étranger, il n'y a pas d'autres titres qui pourraient vous permettre de prendre du recul sur le Vide fertile et l'aborder de manière moins personnelle.
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Re: Les podcasts de La Cellule, saison 8

Messagepar Arjuna Khan (Fabric) » 11 Nov 2016, 10:54

Je n'ai pas encore écouté le podcast donc mon message aura surement une pertinence très relative. Néanmoins je pense que ces points de désaccord sur le terme de compensation notamment viennent du fait qu'il y a peut être encore des notions théoriques à développer autour du terme d'effort justement.

Prosopopée, the beast ou bien happy nécessitent vraiment peut d'effort pour moi quand des jeux motorisés par l'apocalypse, des jeux avec un mj trop fort ou des jeux trop centré sur le background m'épuisent. Peut être parce que pour les premiers je peux me laisser porter par mes émotions comme elles viennent quand pour les seconds cela nécessitent davantage que je réfléchisse au sens de mes actions et à leurs conséquences. D'où peut être le fait que les premiers fonctionnent mieux avec des gens qui sont assez réfractaire au jdr en temps normal ou cherchant des expériences particulières quand les seconds fonctionnent mieux avec des gens plus habitués au média ou recherchant des expérience plus proche de la théâtralisation. Je pense que s'il a manqué quelque chose autour de cette histoire de vide fertile, c'est peut être de parvenir à expliciter cette notion d'effort.
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Re: Les podcasts de La Cellule, saison 8

Messagepar Fabien | L'Alcyon » 11 Nov 2016, 12:11

Salut Vivien,

Merci de ton retour critique et pas de problème pour ma part: je comprends bien que tu dis vraiment ça dans un esprit constructif !
Je vais essayer d'être plus clair quant à la démarche et à l'usage du concept.
Ce que j'écris ici n'engage bien entendu que moi, et pas Fred.

Le Vide fertile n'est pas un concept « sacré » ou « mystique ». Ce n'est pas parce que c'est difficile à définir ou à ressentir que c'est nécessairement religieux. C'est difficile à cerner parce que ça touche à des dynamiques sociales systémiques, c'est-à-dire qui dépassent les individus, etc. etc. comme on l'a développé dans le podcast. Mais c'est le cas de beaucoup d'autres phénomènes: regarde le sentiment poétique ou la beauté, ou bien, en-dehors de la sphère créative, des phénomènes politiques ou économiques.
Donc je trouve que tu surinterprètes en y ajoutant une connotation religieuse péjorative.

Tu touches exactement à ce que je veux dire quand tu dis:
S'il s'agit de dire que certains systèmes encouragent une certaine dynamique et peuvent aider à une sensation incroyable à la table, je peux le concevoir.

Le vrai débat ensuite repose sur la suite de ta phrase:
Mais cela peut arriver rarement, fréquemment, et surtout plus ou moins efficacement en fonction des efforts que les joueurs mettent, le sens où ils vont : je ne crois pas au jeu sans effort, au jeu sans compensation, au ravissement ludique.

OK, là il y a débat.
Le fond de ma position là-dessus c'est au moins pour moi une posture d'auteur: je ne sais pas ce que les gens vont faire de mon système de jeu, mais je peux au moins le développer en cherchant à ce qu'il y ait besoin du moins de compensation, c'est-à-dire bien faire mon boulot d'auteur et ne pas me mettre dans la posture de me reposer sur les participants (en particulier le MJ).
Au-delà de ça, je pense qu'on continue à sous-estimer la puissance du système de jeu et de ce qu'il peut apporter. Oui, il faut qu'il y ait confiance entre les joueurs, oui il faut qu'ils aient envie de converger plus ou moins, mais les efforts des participants ne peuvent pas remplacer la puissance du système de jeu. Il y a quelque chose que seul le système de jeu peut faire, et ce quelque chose c'est le Vide fertile.
Dire ça, c'est aussi insister sur le fait que ça dépasse (en partie au moins) la volonté des participants. C'est une manière d'insister à nouveau sur la dimension systémique du phénomène.

Expliquer ce qui me fait vibrer
Sur ton dernier paragraphe, je crois que j'aurais dû plus insister sur le fait que ma démarche est d'expliquer ce qui me plaît, ce qui me fait vibrer en tant que rôliste et ce que je recherche en tant qu'auteur. Je ne prétends pas que ce soit un critère absolu, je cherche juste à mettre des mots sur ce que je voudrais. Pour reprendre ta métaphore, ce Vide fertile c'est un Graal, mais ce n'est pas LE Graal. Et j'espère intéresser d'autres personnes à cette quête, mais je ne dis pas que c'est la seule possible.
Effectivement Romaric me faisait remarquer qu'on n'avait pas cité de jdr tradi (y compris Sens) et même que le spectre de nos exemples était étroit. C'est vrai, mais en même temps, personnellement, je n'ai jamais ressenti de Vide fertile dans d'autres jeux que ceux que je cite. Et si je les cite c'est que je les aime et que j'y ai ressenti du Vide fertile ! C'est circulaire, mais c'est normal puisque le fond de la démarche est d'expliquer pourquoi certains jeux me plaisent plus que d'autres. J'essaie d'expliquer d'où je tire mon plus grand plaisir de jeu.
D'ailleurs en y repensant (ne crois pas que ce soit de la flatterie), quand je pense Vide fertile, je pense aussi beaucoup à la partie des Errants d'Ukiyo que nous avions eue il y a deux ans avec Olivier et Natacha, et ça fait partie des jeux que j'aimerais réessayer pour en distinguer si c'est bien ça qui y est présent.

En même temps, c'est difficile de faire toutes ces précisions dans un podcast sur un sujet aussi compliqué, alors qu'il dure déjà plus de 2h.

Qu'est-ce qu'une théorie en art ?
Pour mieux expliciter mon point de vue, il y a une précision qu'il faut faire sur notre usage du terme « théorie », que je n'ai comprise que récemment en regardant ce passage d'une vidéo de Lindsay Ellis (excellentes critiques de pop-culture par ailleurs).
Une théorie d'une œuvre d'art n'est pas une théorie scientifique. Elle cherche à donner du sens à une œuvre, à en montrer la cohérence et à expliquer comment on peut en tirer du plaisir. Elle ne peut pas avoir prétention à l'universalité, puisque justement on parle de jugements esthétiques et moraux. Par conséquent, une théorie en art et l'emploi d'une théorie n'est jamais (entièrement) objectif, il reflète nécessairement les vues de son auteur. Une théorie en art n'est pas vraie ou fausse, chacun la juge plus ou moins pertinente pour éclairer une œuvre.
Souvent des œuvres nouvelles ont besoin d'une nouvelle théorie pour expliquer leur sens: impossible d'expliquer l'art contemporain avec les critères de l'art « classique ». C'est pour ça qu'un artiste peut développer une théorie pour expliquer son propre travail pour que les autres puissent saisir sa cohérence et son sens (même si idéalement une œuvre s'explique par elle-même et n'a pas besoin de discours pour être saisie).
J'ai souvent l'impression que beaucoup des conversations sur la théorie aurait pu être plus apaisées si j'avais pu expliciter plus tôt cette dimension, qui m'a toujours semblé aller de soi et sur laquelle je parviens maintenant à mettre le doigt.
Je crois que c'est comme ça qu'il faut essayer de comprendre le Vide fertile: c'est une manière d’interpréter un jeu pour comprendre pourquoi il peut plaire et quel sens il peut avoir pour les participants.

J'espère sincèrement que ça répond à tes objections et qu'on aura l'occasion d'en rediscuter de vive voix.
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Re: Les podcasts de La Cellule, saison 8

Messagepar Schultz (Jérôme S.) » 11 Nov 2016, 18:41

Merci pour cette réponse Fabien, notamment le dernier point sur le mot théorie, sur lequel je te rejoins complètement.
Du coup moi mon scepticisme envers le vide fertile diminue au final.
Podcasts amateurs et pleins de spoilers sur Sens : http://desrolistesdanslacave.fr/
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Re: Les podcasts de La Cellule, saison 8

Messagepar Mangelune » 12 Nov 2016, 09:24

Merci Fabien pour cette réponse détaillée ! J'ai l'impression de bien mieux comprendre.

Je pinaillerai juste un peu en disant que le concept de vide fertile ne m'a pas semblé si souvent que ça présenté sous la forme d'une théorie artistique et pas d'une théorie à prétention, peut-être pas scientifique, du moins objective. J'ai entendu, et je ne crois pas être le seul, "il y a du vide fertile" plutôt que "je vois du vide fertile" ; on voit d'ailleurs vos interlocuteurs dans le podcast essayer d'en faire une théorie scientifique, de vous demander de prouver le vide fertile en un sens (et c'est ce que j'aurais demandé à leur place), quand celui-ci n'est peut-être finalement pas si partageable que cela, pas en l'état, à moins de suivre en quelque sorte pleinement votre mouvement artistique. Je n'ai bien sûr rien à redire à une grille de lecture que vous partageriez avec Fred mais qui ne serait pas tout à fait la mienne ou celle d'autres auteurs. J'imagine même que Fred et toi avez des approches légèrement différentes du Vide fertile ?

Après j'espère que vous arriverez aussi à trouver plein de nouveaux jeux vous séduisant et nourrissant votre réflexion mais effectivement c'est votre parcours, vos choix..
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Re: Les podcasts de La Cellule, saison 8

Messagepar Romaric Briand » 12 Nov 2016, 15:54

Un personnage de fiction souhaitant s'incarner dans la réalité... Les rolistes sont mes proies...
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Re: Les podcasts de La Cellule, saison 8

Messagepar Arjuna Khan (Fabric) » 12 Nov 2016, 16:04

J'aprécis le ton "légèrement" sarcastique. ^^
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Re: Les podcasts de La Cellule, saison 8

Messagepar Arca » 14 Nov 2016, 21:58

Fabien | L'Alcyon a écrit:Au-delà de ça, je pense qu'on continue à sous-estimer la puissance du système de jeu et de ce qu'il peut apporter. Oui, il faut qu'il y ait confiance entre les joueurs, oui il faut qu'ils aient envie de converger plus ou moins, mais les efforts des participants ne peuvent pas remplacer la puissance du système de jeu. Il y a quelque chose que seul le système de jeu peut faire, et ce quelque chose c'est le Vide fertile.

Dire ça, c'est aussi insister sur le fait que ça dépasse (en partie au moins) la volonté des participants. C'est une manière d'insister à nouveau sur la dimension systémique du phénomène.

J'ai encore envie de crier ICI :) (voir ma réaction sur les commentaires du podcast).

Si, en connaissance du phénomène, vous disiez ne pas être capables de discerner du vide fertile dans un jeu à sa lecture, c'est qu'il ne s'agit pas d'un effet de système ?

C'est à dire que vous devriez être en mesure de répondre quand un auteur se demande "tiens, du vide fertile, j'en ai besoin, je dois mettre quoi dans mon jeu, qu'est ce qui m'est interdit ?".
Ça a été ma question principale pendant une grande partie du podcast car c'est peut être la voie qu'il faut que j'explore à un endroit particulier de mon projet (je suis dans une troisième couche de "jeu dans le jeu", justifiée, donc j'ai pratiquement envie de dire "peu importe, au niveau systémique").

Je n'ai pas l'impression que la réponse soit connue : difficile pour moi d'y coller l'étiquette "effet de système" du coup.
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Re: Les podcasts de La Cellule, saison 8

Messagepar Fabien | L'Alcyon » 14 Nov 2016, 23:27

Salut Arca.

Je crois qu'il y a une confusion sur les différents emplois du mot « système », entre « système » comme émergence et « Système » comme l'ensemble des règles, du monde, de la création de personnage, de la mise en place des situations, des règles de partage de l'autorité, etc. (la conception forgienne du Système).

Le Vide fertile est un effet de système, c'est-à-dire qu'il est un effet émergent d'un tout organisé, dans lequel la somme des parties n'est pas égal au tout. Comme une crise financière est un effet de système de l'économie, dans laquelle aucun des éléments ne pourrait la créer seul. Comme la vie est un effet de système d'un ensemble de construits chimiques.
Le Vide fertile est un effet de système provenant des règles. Le Vide fertile n'est pas un effet direct du Système de jeu de la même manière que lancer les dés quand on veut toucher son adversaire au combat.

C'est parce que le Vide fertile est un effet de système qu'on ne peut pas le voir simplement en lisant les règles, parce qu'en lisant les règles on ne voit que la somme des parties, jamais le tout en entier (qu'on ne peut percevoir qu'en le mettant en action c'est à dire en le jouant, de la même manière que tu ne peux pas comprendre un être vivant même en connaissant la totalité de ses cellules désorganisées).

Pour résumer on peut dire que « le Vide fertile est un effet de système du Système de jeu. », ce qui est exactement la même chose que de dire que « le Vide fertile émerge de l'ensemble des règles du jeu. »

Est-ce que tu saisis ?
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Re: Les podcasts de La Cellule, saison 8

Messagepar Arca » 15 Nov 2016, 00:36

J'avais bien saisi, et c'est bien de ça que je te parle quand je te dit "effet de système".
Ce ne sont pas les règles en elle-même, mais du jeu appliqué. Et c'est le jeu appliqué qui est important (au passage ne voir que des règles de combat dans donj' et en déduire que ce jeu n'est qu'un jeu de baston est un peu triste mais passons).

Je ne m'imagine pas lire un jeu, après, disons, pas mal de pratique (je n'ai pas assez de doigts y compris de pied pour compter les années de pratique, y compris si tu rajoute la main froide et toute dure qui traine dans ma cave), sans pouvoir imaginer à la lecture d'un jeu cette qualité là, lors de son application dans les parties. Oui, par contre "la théorie ne remplace pas la pratique". Ok. Mais justement.

Toon. Paranoïa. C'est grillé, quand un jeu essaye d'aller vers ça.

J'ai expérimenté ce phénomène deux fois en joueur et une fois en maitrise, je pense.

Et ces exemples sont complètement à coté de la plaque au niveau des restrictions que vous mettez sur la systémique :

- il y a 15 ans, j'ai gardé un excellent souvenir d'un semi-réel que j'ai joué à Besançon utilisant les règles de l'AdC. Il s'agissait d'une semi-murder party avec prétirés en mode pvp. Vivien y était d'ailleurs et je me demande si ce soir là n'a pas été l'une des sources d'inspiration pour Perdus sous la pluie.

- Suite à ceci, un scénario que j'ai écrit pour Agone dans le cadre d'une convention, utilisant le même "trick" (prétirés, chacun avec une bonne raison de trucider un autre et d'en protéger un troisième. Le tout assorti d'une excuse de scénario à la "jour sans fin"). Il s'agit de la meilleure partie que j'ai animée à ce jour (ce scénario n'a jamais été fini - j'ai improvisé une fin bidon pour réveiller les joueurs quand j'ai commencé à en voir discuter d'autre choses, en laissant du temps de partie à la fin pour résoudre les choses que les gens voulaient finir - et je ne l'ai jamais publié sur le net comme j'ai fait les autres fois).
Je pense avoir été particulièrement chanceux sur mes joueurs (en convention, on a du touriste et du passionné en même temps).

- Il y a une quinzaine d'années, sur une campagne complète sur L5A. Jeu ludiste par excellence, le meneur a fait sauter la plupart des contraintes d'univers et de convention rôlistique de l'époque 2000. Exemple : 1 MJ, 15 joueurs à table tournante.
Nous jouions des seconds de Daimyos, qui finissaient par trucider la plupart d'entre eux pour prendre leur place. Je jouais le plus gros salopard que j'ai jamais joué (se faire passer pour un membre d'une famille d'ennemis héréditaires (je jouais Soshi, l'autre c'est Kuni, pour les experts), épouser dans cette famille une joueuse "fille de" Daimyo mineur, lui faire des enfants, s'arranger politiquement pour faire trucider le beauf puis vendre l'un des enfants à l'Ombre... En échange de quoi le Daimyo Crabe crève lui aussi pour finir la campagne Daimyo consort. Le tout assorti de chutes dans l'escaliers diverses et variées).
Bref, c'était Dallas, version grobill, en mode buffet à volonté tout gratuit. On a cassé l'univers, oui, mais c'était jouissif.

A chaque fois, il s'agissait de casser des éléments d'un jeu, à dessein, pour obtenir ce que nous voulions expérimenter.
A chaque fois, le meneur de jeu sort de son aspect principal de conteur pour devenir arbitre, metteur en scène et maitre du temps car la fiction inter-joueur prends trop de place pour rester en contrôle pur.
A chaque fois, il y a eu l'apparition d'un vortex de tension-résolution qui te suce la tête au point d'en avoir des vertiges lorsque la partie se termine. A chaque fois.

(j'appelle ça des anatoles pour faire un parallèle avec la musique).
C'est exactement des anatoles. Tes résolutions deviennent des questions. Et ce qui n'a pas été répondu doit être résolu par une autre approche : cf le schéma de Baker.
La frustration issue du scénario fait que les joueurs tournent autour du pot de miel.

Et à chaque fois, ce sont des jeux traditionnels, non prévus pour, pour lesquels la TABLE s'est conformée aux choix "éditoriaux" des meneurs de jeu.

Il ne s'agit pas ici d'une qualité systémique, mais d'une qualité d'organisation, d'une application inspirée (inspirante ?) de la triche (puisqu'il s'agissait de faire sauter des limites et des sens interdits), d'une "confiance partagée" (l'autorité pour le coup, est strictement, entièrement, totalement entre les mains du MJ - il s'agit de trois jeux à secrets, qui vont être révélés, donc c'est obligé), de maitrise des temps de jeu (ex: "trahissez à la fin, svp, là c'est le moment où c'est le jeu qui vous trahit").

Et d'un peu de chance aussi pour que la mayonnaise prenne, probablement.

Bref : le tout n'est pas une affaire de systèmes, pour moi, mais de pelles et de rateaux confiés aux joueurs.

Les seuls points communs:
- pvp. C'est ce qui aide à faire émerger en dur la création fictionnelle inter-joueurs. Le MJ devient spectateur, arbitre et critique. Il n'a plus qu'à gérer les décors. Il n'est plus le parent de l'histoire pourtant écrite mais sur-créé lors de la partie. Il est l'accoucheur, et non plus l'auteur.
- scénario sandbox et "confiance partagée".
S'il y a adaptation d'un univers et des règles, il ne s'agit pas de laisser la bride complètement lâche aux PJ mais aussi de rappeler que si le personnage d'un joueur a des buts antagonistes fort envers un autre joueur, que "peut être, si le mec qui a écrit les prétirés est un petit retord, on peut imaginer qu'il y a un autre sur la table qui pense des saloperies sur toi".
Ça équilibre les volontés destructrices, jusqu'à un certain point. Il s'agit de divertir, d'embrouiller les jugements jusqu'à un joueur trouve sa solution et tire le premier. Et là de dire "ok les gars, open bar, lâchez vous".
- one shot. Ce qui en général est aussi très parlant pour qualifier le destin des personnages des joueurs. Il n'y aura pas de conséquences, c'est une limite qui saute. Ça va partir en sucette (gout cerveau), oui, mais en sucette créatrice de fiction.

Mais s'il s'agit là de systèmes +/- homebrew, aucune règle de jeu n'a été malmenée pendant ces parties là. Un observateur extérieur calé sur les règles de chacun de ces jeux n'aurait pas pu voir d'entorse géante aux règles des jeux que nous avons utilisé.

C'est la table et uniquement la table qui a "fait que".
Ainsi quand j'entends "non, Donj', y a pas", je réponds "ça dépends comment la partie est maitrisée". Et uniquement de ça. C'est propre au média jeu de rôles, pas aux jeux.

Je sais comment faire jouer à n'importe quel jeu de manière dirigiste, de manière sandbox, ou de manière transverse. Il s'agit de tordre des effets de scénario ou de tables pour obtenir l'un de tes buts : c'est pas des effets de système, mais des effets de scénario, de maîtrise, de manipulation de tempo.

Les trois exemples sont typiquement des jeux pour lesquels vous diriez "non, y a pas".
- L5A avec sa gauge d'honneur ? Impensable. Sauf si l'Honneur n'est plus un enjeu central mais qu'on déplace les thèmes vers le greed.
- Agone avec sa thématique de défense primordiale d'une cause perdue ? Mais si le joueur est lui même cette cause perdue ?
- Et enfin le rigide Cthulhu, avec ces scénarios tryptique enquête-sorcier-tu meurt ? Et si l'horreur venait des autres joueurs cette fois-ci ?

Je répond "scénaristique, rythmique et table", les trois grands oubliés du GNS selon moi.
Il ne s'agit pas de systémique, il s'agit de jouer sans filtres, de retirer la ceinture de sécurité et toute les limites juste pour voir si l’adrénaline ne monte pas plus vite.

Et ce qu'elle engendre, s'il y a "confiance partagée". Je pense qu'on peut obtenir ceci avec n'importe quel jeu, car ce ressort compétitif est particulierement facile à mettre en oeuvre. Mais pas avec n'importe qui.
Après, ici, je ne parle que des moments où j'ai senti ça : en gros des Reservoir Dog - like.

Le compétitif est un domaine restreint des moyens dont vous ne parlez pas assez dans le podcast mais en tout cas, ce moyen là est universel. Tu l'aurais dans du P'tites sorcières si tu en souhaite.

"Coucou les enfants, il n'y avait qu'une part de gâteau... Qui l'a mangé ?"
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Re: Les podcasts de La Cellule, saison 8

Messagepar Mangelune » 15 Nov 2016, 10:26

Waouh Besançon, ça remonte Arka ! Cela dit l'oubli a fait son travail sur l'un de nous deux, je me souviens pas avoir participé à un semi-gn Cthulhu... honte sur moi si je suis l'oublieur !

Tout cela est un peu vaste mais je trouve notamment que Fabien tu gommes un peu vite les joueurs comme élément primordial du système supérieur à la somme des parties (ce avec quoi je pense être globalement d'accord). En poussant un peu, tu pourrais presque imaginer ces joueurs comme un jeu de règles supplémentaire venant compléter le tout et former le véritable système de la partie. C'est peut-être d'ailleurs une des raisons qui font qu'on ne pourrait pas juger de ce Vide fertile en amont, avant d'y avoir "clipsé" la table elle-même. Je vais pousser encore plus loin, c'est peut-être même la raison qui fait que certains jeux produisent ces sensations que tu recherches, mais chez d'autres participants que toi ou à d'autres tables, parce que les "règles" personnelles que tu amènes ne vont pas dans le sens du Vide fertile desdits jeux ? Est-ce que dans ce cas un jeu dont tu dirais qu'il a du Vide fertile n'est pas tout simplement un jeu qui convient quasi-parfaitement à ta manière de maîtriser ou de jouer ou de concevoir une table de jeu ?

En tous cas quelque part je pense que vous ne pouvez pas dire que certaines parties foirent parce que les joueurs ne vont pas dans le sens du jeu, et que d'autres réussissent uniquement grâce au système. Si un joueur est responsable dans un sens, il l'est aussi dans l'autre.
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Re: Les podcasts de La Cellule, saison 8

Messagepar Arjuna Khan (Fabric) » 15 Nov 2016, 10:35

Est-ce que quelque part, un jeu suffisamment bien pensé, est suffisamment clair pour ne pas attirer des joueu(r)(se)s avec lesquels cela ne fonctionnerait pas ?
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Re: Les podcasts de La Cellule, saison 8

Messagepar KamiSeiTo » 15 Nov 2016, 11:03

C'est bizarre, parce que moi la façon dont j'avais compris le vide fertile était simple (sa définition, pas forcément comment en obtenir un en tant qu'auteur ^^'), et chaque explication ou exemple du podcast me confortait dans ma compréhension, mais effectivement tous ces "aspect mystique", ces questions, ces clarifications qui semblent se contredire, et effectivement cet arrière-goût de "le vide fertile c'est le truc qui rend les jeux trop bien de ouf, y en a que dans les jeux de Vincent Baker, Frederic Sintès et Fabien Hildwein" tout en s'en défendant... Ça me donne l'impression que je crois avoir compris mais que j'ai mal compris, et que c'est un truc hyper compliqué qu'il faut expérimenter comme une épiphanie.

Du coup, je vous mets mon explication simple du vide fertile tel que je l'ai compris, et vous me dites où je me plante (Ou si je suis un génie de la vulgarisation ^^") ?

Dans par exemple les Petites Choses Oubliées (je ne l'ai ni lu ni joué, donc c'est de l'extrapolation suite à écoute de podcasts), le système de jeu ne te dit que :
• Vous êtes un couple qui veut oublier son passé pour se séparer.
• Tu inventes et racontes un souvenir commun.
• Tu peux dire du souvenir d'un autre que ça ne s'est pas passé comme ça et en proposer une autre version.

Et ce qu'on peut observer à chaque table, c'est que les joueurs créent une fiction où les personnages se rejettent la faute/les raisons de leur rupture (quasiment chaque table, celles où ça ne survient pas c'est quand la sauce n'a pas pris, en gros). Du coup le système crée une dynamique de jeu où chaque personnage accuse l'autre, refuse (au moins dans un premier temps) de voir sa faute, ne se rendant pas compte de la subjectivité de ses souvenirs... comme c'est souvent le cas dans la vie réelle.

Eh bah le vide fertile des règles/système de LPCO, c'est ça. Il n'y a aucune règle ni aucun prémisse du cadre qui dit de jouer des gens qui se rejettent la faute, aucune mécanique de rejet de faute (aucune mécanique qui ne parle de rejet de faute), les mots "rejets" et "faute" peut-être même écrits nulle part, mais l'ensemble crée une dynamique qui fait que "sans s'en rendre compte" les joueurs créent de la fiction dans ce sens. Ce qui ne veut pas non plus dire qu'il n'y a que ça dans LPCO, hein, ça n'empêche pas qu'il y ait aussi d'autres choses : des bons moments, de la beauté, que sais-je...

C'est créer des règles qui poussent la fiction dans un sens sans que ce soit explicite, sans qu'il n'y ait une règle qui ouvertement pousse dans ce sens ou dise "allez dans ce sens".

C'est comme si on imaginait un univers (totalement fictif, vous vous en doutez bien) où on donnerait tout innocemment des poupées et des dînettes aux petites filles et des soldats et des ordinateurs aux petits garçons, où dans les pubs/films/exemples on met tout innocemment des filles douces et jolies et des garçons travailleurs et autoritaires, où pour les endormir on leur raconte tout innocemment des fictions où les princesses enfermées dans des tours se font sauver par des chevaliers courageux... et *pouf!* on aurait une société sexiste où les femmes sont inconsciemment perçues comme inférieures (donc on peut leur couper la parole et en plus il faut expliquer ce qu'elles veulent dire et parler pour elles) et ont des salaires moins élevés... Or dans cet univers (complètement fictif encore une fois) il n'est nulle part fait mention de salaire ou de supériorité/infériorité ou de qui peut couper la parole, dans les règles de comportement que j'ai décrites plus haut. Ben ces règles de mon univers fictif, il pousse mes joueurs à créer de la fiction dans un sens sexiste sans dire explicitement qu'il faut le faire ; c'est son vide fertile à mon ensemble de règles. (Désolé pour l'exemple très limite, mais je trouvais l'analogie parlante.)

J'ai bon où je me plante ? Et où ? ^^'
Là où les définitions deviennent intéressantes c'est quand elles sont utilisées non pour exclure mais pour interroger.
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Re: Les podcasts de La Cellule, saison 8

Messagepar Arca » 15 Nov 2016, 12:44

Mangelune a écrit:Waouh Besançon, ça remonte Arka ! Cela dit l'oubli a fait son travail sur l'un de nous deux, je me souviens pas avoir participé à un semi-gn Cthulhu... honte sur moi si je suis l'oublieur !

La partie était maitrisée par Jörn. Nous étions une dizaine de joueurs, le nom de la série de scénario s'appelait "les dix petits nègres".

Chaque joueur interprétait un personnage qui avait d'excellente raisons pour en vouloir à un autre.
La partie se déroulait sur une île, en 1920, en pleine tempête. Quelqu'un nous a donné rdv à cet endroit, dans ce vieux manoir. La tempête est trop forte pour reprendre la mer et on est obligé de cohabiter pendant une nuit.

Selon le scénario et les prétirés, le meneur avait à sa charge 0 à 1 PNJ, ainsi que 0 à plein de créatures du mythe.

On a été encouragés à jouer en semi-réel, à se lever de "table" (il n'y avait pas de table, c'était une cave avec un grand banc circulaire) et à jouer entre nous en créant des sous-groupes (10 PJ, c'est trop pour n'importe qui).

Je ne me souviens plus exactement, mais un personnage avait le droit d'en tuer un autre à partir du moment où il avait des raisons valables à donner au MJ (ex: "je l'ai vu pousser mémé dans les orties", mémé étant un autre joueur). La stratégie globale était de se balader par groupes de trois.

On y a joué avec trois scénario et série de prétirés différents, je pense :)

Ayant joué à ça avec toi, l'aspect "anti-jeu de rôles" (non coopératif) est une chose qui m'a frappé en lisant Perdus sous la pluie et je vois parfaitement les sensations de jeu que cela procure :)
(j'ai hâte de pouvoir le proposer à mes joueurs mais ça fait un peu la moue)
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Re: Les podcasts de La Cellule, saison 8

Messagepar Newtwo(François) » 15 Nov 2016, 13:15

KamiSeiTo :
C'est aussi ce que j'en avait compris, à savoir que le "vide fertile" c'est un nom technique qu'on donne à l'émergence de comportements dans le cadre du jdr.

J'ai un exemple moins controversé (bien que je considère le tiens comme pleinement valide. Le sexisme, comme le racisme, sont du domaine des comportements émergents, au même titre que bon nombre d'interactions sociales), qui est celui des fourmis qui trouvent de la nourriture. On remarque qu'au bout d'un moment elles trouvent un chemin optimal. Cela se fait parce que les fourmis suivent les règles très simples suivantes :

- Je me déplace de préférence (mais pas exactement dessus, c'est vital pour la variabilité des options et donc la capacité d'adaptation par sélection. Comme pour l'évolution des espèces) proche de traces de phéromone, et cette tendance est liée à la quantité de phéromones présentes.
- Quand je trouve de la nourriture, je reviens sur mes pas pour rentrer au nid et je dépose de la phéromone sur mon chemin.

Les chemins les plus courts sont statistiquement trouvés plus, juste parce qu'ils sont plus courts (et que des fourmis qui se déplacent "au hasard" ont plus de chance de prendre un chemin court qu'un chemin long. C'est ptet un peu difficile à visualiser, ce point là, mais je pourrais détailler si cela intéresse des gens), donc plus rapide. De plus, celles qui suivent des chemins plus courts les renforcent plus vite que celles qui suivent des chemins plus longs (vu qu'elles font plus d'aller-retour, vu qu'il est plus court)

On voit que dans les règles à aucun moment je n'ai même évoqué la notion de distance, et pourtant cela marche du feu de dieu, vous n'avez qu'à regarder les fourmis pour le voir.
D'ailleurs dans plein de domaines de l'intelligence artificielle on travaille sur des trucs un peu comme cela. (C'est un peu mon domaine de prédilection, donc désolé, je raconte ma vie ^^)

Selon comment c'est géré, cela peut avoir quelque chose de fantastique à voir et à vivre. Parce que tout le monde se comprend et arrive aux mêmes idées tout en ayant l'impression d'être arrivé soit même à cela sans avoir été guidé. Je pense que c'est cela que Fabien adore dans ce vide fertile. C'est un ordre naît du chaos. C'est une construction stable malgré et grâce à la totale liberté des participants.
Cauannos chez les gaulois; Daemon Kaimetsu à las Noches; Cagliostro à Gotham City; Newtwo au club troll; Arrakis sur le Val; Silver dans nombre d'univers; Velaak dans quelques autres; François Néron pour la plupart des hommes. Qu'est-ce qu'un nom?
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