par edophoenix » 16 Avr 2015, 14:23
Après visionnage de la vidéo de la conférence Ludinord, par rapport à la première question, j'ai la sensation que la différence entre le processus d'écriture d'Harry Potter (ou du jeu vidéo Dofus ou Heavy Rain), et une partie de jeu de rôle, c'est la finalité : tous recourent à l'exercice du Maelström - ou du moins du brainstorm et du CFM, mais dans le cas d'une production artistique, la finalité est la création de l'oeuvre *finie*, alors que dans le cas d'une partie de jeu de rôle, elle est sa propre finalité. C'est peut-être du côté de cette finalité autoréférentielle qu'il faut chercher. Moi qui m'intéresse au méta-jeu (ce qui d'ailleurs m'a conduit à m'intéresser à la "métacommunication" en SIC), je pense que c'est ce qui constitue aussi une différence fondamentale entre le jeu de rôle et l'oeuvre littéraire ou vidéoludique : je crois qu'il n'y a pas d'équivalent du méta-jeu dans une oeuvre produite autrement. Le méta-jeu est en fait l'infrastructure d'une partie de jeu de rôle là où les tensions dramatiques sont celle d'une oeuvre littéraire. Il y a aussi la question de l'exploration qui s'y rattache : l'exploration se trouve t-elle dans le jeu ou dans le méta-jeu ?
Pour moi, le méta-jeu fait partie de l'immersion, car il est au joueur ce que le jeu est au personnage. De fait, Le jeu est l'acte d'exploration du personnage et le méta-jeu l'acte d'exploration du jeu par le joueur (en considérant le personnage comme un véhicule d'exploration qui crée du lien entre le jeu et le méta-jeu. C'est d'ailleurs ce qui se passe finalement dans Sens.)
Du coup (et là, c'est mon interprétation) le Maelström serait le processus par lequel le jeu et le méta-jeu fusionneraient (en fait, j'entends par méta-jeu l'acte de validation par les joueurs des propositions.) et cette fusion produirait donc la fiction de chaque joueur. Est-ce que tu "valides" cette interprétation ?
Je continue en reprenant la première intervention de Fréd à propos du système : j'ai commencé à développer une vision scientiste-communicationnelle du JdR dans laquelle pour moi, les deux notions centrales sont l'exploration et l'expérimentation. Dans ce sens, le système est d'autant plus important que c'est lui qui va donner sa forme à l'output, pour tout input donné.
Je m'explique :
Mon postulat est que l'Univers [U] du jeu de rôle est une boîte noire que les joueurs veulent explorer (je parle d'exploration d'un espace imaginé au sens large, sans faire référence au Big Model ici). Je considère ici que tous les actes des participants en terme de jeu consiste à chercher comment influencer l'Univers imaginé qu'ils explorent, par leurs actes. La finalité pour les joueurs est d'avoir un impact sur le monde exploré, de le faire réagir dans le sens qu'ils désirent. C'est là qu'intervient l'expérimentation : pour ce faire, ils y introduisent un <input> qui est leur personnage joueur, afin d'observer les réactions de la boîte noire [U]. Ce qui les intéresse, n'est pas en soi le [U] qu'ils explorent, car ils le connaissent déjà (il est décrit dans la base du JdR, c'est l'ensemble métaphysique+physique, représenté par le couple background+règles du jeu -autrement dit le système, que j'appellerais [S> qui le constitue.)
ce qui les intéresse, c'est comment le [U] va réagir à leur <input>. Sa réaction, sa réponse, - c'est bien sûr l'<output> - est une transformation, qui fait passer [U] de l'état [S> à un nouvel état que j'appelle [S'> .
A noter qu'à nouveau, lors de la séance ou partie suivante, l'<input> va être envoyé dans la boîte noire [U], mais que celle-ci n'est plus constituée de [S> , mais de [S'>. Et dans ce cas, la nouvelle réaction fera passer [U] de l'état [S'> à l'état [S''> et ainsi de suite. Le système [s(n)> évolue d'une partie à l'autre, car les joueurs - et le MJ lorsqu'il y en a un, est aussi considéré comme un joueur -
Or, si ce qui intéresse les joueurs, c'est l'<output>, c'est-à-dire le changement d'état de [U] (ce qui revient à dire que si ce qui les intéresse, c'est l'influence qu'ils peuvent exercer sur l'Univers U), alors le système est effectivement primordial, puisque c'est lui qui :
a/ est l'espace sur lequel s'exerce l'influence des joueurs,
b/ détermine la nature de la réponse <output>, c'est-à-dire ses propres possibilités de changements d'état.
La tension T se crée entre la Capacité des joueurs à influencer l'Univers [U] par le médium de leurs personnages (véhicules d'exploration, ou ce que tu appelles Simulacres, Romaric) et la Résistance de l'Univers [U], qu'on pourrait nommer [Inertie] et qui est spécifiquement l'objet des règles constitutives du système.
il s'ensuit ce qui serait ma définition du jeu de rôle : une coopération d'expérimentateurs ludiques cherchant à maîtriser les lois d'un Univers [U] afin d'observer les conséquences de leur influence collective sur cet Univers (ou comment sauver scientifiquement une princesse d'un dragon sans avoir conscience de la scientificité de la démarche, camouflée en jeu).
Je reviens à mon interprétation de ta propre définition, Romaric : Ce serait cette tension T que le Maelström chercherait à résoudre ?
Dans le débat ultérieur de la conférence, il y a une chose qui m'a interpelé : la confusion entre anarchie et anomie. Proudhon définit l'Anarchie non pas comme un désordre, mais comme un "ordre sans autorité" : l"anarchie est une organisation sociale sans dirigeant, mais non pas sans règles.
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Le Paradis, c'est un roman devant un bon feu ! "
- Théophile GAUTHIER.
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Toute notre dignité consiste donc en la pensée "
- B. PASCAL,
Pensées.
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Si le monde n'a absolument aucun sens, qu'est-ce qui nous empêche d'en inventer un?"
- Lewis Caroll,
Alice au pays des Merveilles.
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Vouloir nous Brûle, et Pouvoir nous Détruit"
- H. de Balzac,
La Peau de Chagrin.
La ludologie, c'est bon, mangez-en !