Je suis loin de penser qu'une simple lecture du livre empêche de critiquer un jeu. La métaphore de l'affiche de cinéma ou de la pochette de DVD est inappropriée (comme le sont toujours les métaphores dès lors qu'on défend une thèse : en translatant la réflexion dans un autre domaine, on biaise l'interprétation). Lire un jeu de rôle, c'est déjà y jouer. On peut déjà sentir les lignes de force du jeu.
Ce qui se rapprocherait le plus de la métaphore de l'affiche de film, c'est l'unboxing : on critique un jeu sans l'avoir lu, juste sur le format, la maquette, les illustrations et le pitch du livre.
Les personnes qui critiquent des jeux dans Casus Belli et JDR Mag, j'ignore si elles testent à chaque fois, mais je suis certain qu'elles ont lu les livres (j'ignore en revanche si c'est toujours une lecture cover to cover).
Pour autant, je suis d'accord pour admettre que la pratique d'un jeu apporte des informations qu'on peut manquer à la simple lecture, puisqu'on est sur un média de l'émergence-reine : c'est important d'observer cette émergence. En gardant à l'esprit que comme
le jeu de rôle est potentialité, cette expérience du test n'est jamais répétible dans sa globalité.
Le meilleur des deux mondes, quand il s'agit de proposer une critique, serait alors de lire le jeu
et de le tester. J'irais même plus loin : ce serait meilleur si chaque personne participante avait lu le livre, au moins les sections dédiées à l'ensemble de la table, et a minima le résumé officiel des règles quand il existe.
Pour rejoindre Fabien, la meilleure des analyses est celle qui s'appuie sur le test de masse.
La critique établie par un seul groupe de jeu (de surcroît quand seule la personne qui maîtrise ou facilite a lu les règles) présente des biais.
Comme le souligne Julien, il y a des personnes qui catalysent (elles ont compris l'intention du jeu et l'épousent dans leur façon de jouer, en se servant à bon escient des règles qui soutiennent l'intention), celles qui compensent (soit les règles soutiennent mal l'intention, alors les personnes s'adaptent ; soit l'intention du jeu est trop vague, alors les personnes en choisissent une et jouent en fonction). Il y a aussi des personnes qui ont mal saisi l'intention du jeu et rament carrément dans le sens inverse. Il y a celles qui ont parfaitement saisi l'intention du jeu mais sabotent la séance parce que cette intention leur déplaît. Il y a les personnes qui jouent complètement à la lettre sans prendre aucun recul...
En ce qui me concerne, je m'éloigne de plus en plus de la notion de jugement. Le jugement est toujours biaisé par la subjectivité de la personne (par définition), et il est assez peu informatif : on sait ce que ressent la personne, moins ce qu'émule le jeu. Je préfère l'analyse à la critique : qu'on m'explique ce qu'on a compris d'un jeu et comment il fonctionne, sans y adjoindre un jugement de valeur.